« France, un album de famille », une exposition de Yann Arthus-Bertrand avec Hervé Le Bras et la Fondation Goodplanet
France, un album de famille : Yann Arthus-Bertrand expose la France de tous les visages à l’Hôtel de Ville de Paris
Du 20 octobre au 2 novembre 2025, l’Hôtel de Ville de Paris se transforme en un vaste studio photographique à ciel ouvert. Le photographe et réalisateur Yann Arthus-Bertrand y présente “France, un album de famille”, une exposition monumentale qui saisit l’âme intime du pays à travers des milliers de visages. Après avoir survolé la Terre pour témoigner de sa beauté et de sa fragilité, l’auteur de La Terre vue du ciel braque désormais son objectif sur les habitants d’un territoire qu’il connaît profondément : la France.

Une fresque humaine, poétique et engagée
Sous le grand porche de l’Hôtel de Ville, les visiteurs découvrent des portraits d’anonymes, d’artisans, de familles, d’agriculteurs, d’étudiants ou d’ouvriers — tous photographiés avec une lumière naturelle, dans une mise en scène simple et frontale. Ici, pas de retouche ni d’artifice : ce sont les visages eux-mêmes qui composent le paysage.
Ces portraits ont été pris aux quatre coins du pays entre 2023 et 2025, dans le cadre d’un projet initié par la Fondation GoodPlanet, créée par Yann Arthus-Bertrand, et soutenu par la Ville de Paris. Plus de 3000 participants ont accepté de poser, souvent sur une toile de fond neutre installée sur des marchés, dans des écoles, sur des places de villages ou lors de grands rassemblements populaires.
Le photographe y voit une manière de raconter la France d’aujourd’hui, dans toute sa diversité : une mosaïque d’identités, d’origines, de générations et de parcours, un “album de famille national” qui parle à chacun comme à tous. “Il ne s’agit pas d’un inventaire, mais d’un hommage. Chaque visage est une page de notre mémoire collective”, confie-t-il dans le catalogue de l’exposition.

La mise en scène à l’Hôtel de Ville
La scénographie investit la grande salle Saint-Jean, espace emblématique souvent dédié aux grandes expositions municipales. Les photographies, imprimées en grand format, y forment des ensembles chromatiques ou thématiques : les regards d’enfants côtoient les rides des anciens, les couleurs des tenues régionales répondent à la sobriété du noir et blanc. Certaines séries bénéficient d’un dispositif audiovisuel : des témoignages enregistrés font entendre les voix de ceux qui ont posé, racontant en quelques mots leur histoire, leur métier, leur lien à la terre.
Un mur de visages, long de plus de dix mètres, rassemble les 1000 portraits jugés les plus représentatifs du projet. Il trace un panorama saisissant de la société française — de la Guyane aux Alpes, de la Bretagne aux banlieues d’Île-de-France. La lumière naturelle qui inonde la salle renforce la douceur et la spontanéité des expressions, transformant l’espace en lieu de rencontre entre anonymes et visiteurs.
À l’extérieur, sur le parvis, de grandes bâches suspendues aux façades présentent une sélection de clichés emblématiques, attirant le regard des passants et invitant chacun à prolonger la découverte à l’intérieur.

Une démarche photographique et citoyenne
Yann Arthus-Bertrand poursuit ici le fil rouge de toute sa carrière : mettre la beauté au service de la conscience collective. Après avoir fait voyager les spectateurs au-dessus de la planète, il invite à lever les yeux vers les autres, à redécouvrir l’humanité dans son voisin. “J’ai toujours photographié la Terre vue du ciel, mais aujourd’hui je veux photographier la Terre à hauteur d’homme”, explique-t-il.
L’artiste, qui se décrit lui-même comme “un photographe militant”, inscrit cette exposition dans une démarche de réflexion sur la fraternité, la solidarité et la représentation du lien social. À travers ce projet, il interroge la manière dont les Français se perçoivent, au-delà des débats politiques ou identitaires. Les portraits montrent des visages sereins, parfois graves, mais toujours dignes. Ce sont les visages de la vie ordinaire qui, mis bout à bout, dessinent ce que l’on pourrait appeler une “France du quotidien”.
Chaque image est accompagnée d’une courte légende précisant le prénom, la région et parfois le métier ou le souhait du modèle. Ces fragments biographiques, souvent touchants par leur simplicité, rappellent que derrière chaque photo se cache une histoire singulière.

Un projet participatif et itinérant
“France, un album de famille” n’est pas une exposition figée. Elle s’inscrit dans une tournée nationale qui se poursuivra en 2026, dans une vingtaine de villes françaises : Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Strasbourg, et même des communes plus modestes. L’idée est que chaque territoire puisse à son tour enrichir cet album collectif.
Un dispositif numérique accompagne le projet : un site web participatif permet à tout un chacun de télécharger son propre portrait ou d’envoyer celui d’un proche, pris dans le même esprit. Cette galerie virtuelle alimente en permanence la collection visuelle, ouvrant la démarche à tous les citoyens, même ceux qui ne peuvent se rendre à Paris.
La Ville de Paris soutient cette initiative comme un outil de cohésion et de partage, en parfaite résonance avec les valeurs d’inclusion qu’elle promeut. Pour la maire de Paris, accueillant l’exposition à l’Hôtel de Ville, “cette galerie de visages est un miroir dans lequel nous devons accepter de nous regarder, car elle raconte la richesse et la complexité de notre société.”
Une émotion universelle
Ce qui frappe dans “France, un album de famille”, c’est la puissance émotionnelle du regard. Chaque portrait semble adresser une question silencieuse au visiteur : qui sommes-nous ? Comment vivons-nous ensemble ? En parcourant les travées de la salle, on passe du sourire d’un enfant à la tendresse d’un couple âgé, de la fierté d’un boulanger en tablier à la détermination d’une infirmière. La photographie devient ici un langage universel, capable de dépasser les frontières de classe, d’âge ou de culture.
Le style visuel choisi par Yann Arthus-Bertrand, à mi-chemin entre le reportage social et le portrait d’atelier, restitue au visage toute sa noblesse. Il s’agit moins de surprendre que de révéler la dignité du banal. Le photographe a toujours revendiqué cette approche humaniste héritée de ses maîtres — Doisneau, Cartier-Bresson, Bourdieu — mais il y ajoute une touche contemporaine : celle d’un dialogue direct entre l’individu et la planète, entre l’intime et le collectif.
Un catalogue et des rencontres
Un catalogue de l’exposition, publié aux éditions La Martinière, rassemble les principaux clichés présentés à Paris, accompagnés de textes du photographe et de contributions d’écrivains, sociologues et personnalités du monde associatif. Des rencontres gratuites sont organisées pendant toute la durée de l’exposition : projections, ateliers photo pour les jeunes, débats sur la diversité et la représentation.
Chaque dimanche, des séances de portrait citoyen permettront au public de se faire photographier par les équipes de GoodPlanet. Ces portraits rejoindront à leur tour la collection nationale, élargissant jour après jour ce grand album vivant.
Un hymne visuel à la fraternité
À travers cette exposition, Yann Arthus-Bertrand livre certainement l’un de ses projets les plus humanistes. Là où ses précédentes œuvres célébraient la beauté de la Terre vue du ciel, celle-ci explore la beauté des êtres vus de près. Le photographe ose montrer une France multiple, égalitaire, rassemblée dans la simplicité d’un regard posé sur soi-même.
“France, un album de famille” apparaît ainsi comme une invitation à la reconnaissance mutuelle : reconnaître son voisin, son collègue, ou celui qu’on croise dans le métro. L’exposition réunit ce que le photographe appelle “la grande famille humaine”, où chacun, quel que soit son âge, son métier ou son origine, trouve sa place dans le cadre.
En sortant de la salle, les visiteurs gardent en mémoire un sentiment de proximité et d’appartenance. On en ressort plus attentif aux autres, un peu plus conscient de cette évidence souvent oubliée : la France ne se résume pas à une carte, mais à un chapelet de visages. Et c’est en regardant ces visages qu’on comprend, peut-être mieux qu’ailleurs, ce qu’est la fraternité.