Anselm Kiefer
La photographie au commencementDu 6 octobre 2023 au 3 mars 2024
LaM, 1 allée du Musée 59650 Villeneuve d’Ascq
Pour clôturer en beauté son année anniversaire, le musée propose une exposition dédiée à l’un des plus éminents plasticiens allemands : Anselm Kiefer. Né en Allemagne deux mois avant la capitulation nazie, Kiefer ne cesse d’explorer dans son travail le souvenir de la Seconde Guerre mondiale de manière cathartique.
Internationalement reconnu pour ses pièces monumentales et son exploration de la mémoire européenne, Kiefer présentera au LaM plus de cent-trente œuvres illustrant sa pratique photographique et son questionnement sur la révélation de l’image, un aspect essentiel mais souvent négligé de son œuvre. Imprégnée des paysages dévastés de son enfance, l’œuvre d’Anselm Kiefer s’est engagée dès la fin des années 1960 dans une réflexion sur l’origine du Mal et l’exploration intime de la nature tragique du nazisme, donnant lieu à un ensemble d’actions important.
Les thématiques de son œuvre, nourries par sa profonde connaissance de la littérature et enracinées dans l’histoire allemande, traversent divers domaines tels que les mythes, l’architecture, la destruction, l’alchimie ou encore la géophysique. Bien qu’il affirme penser en images et utiliser la photographie pour créer ses tableaux, Anselm Kiefer n’avait que rarement présenté cette composante essentielle de son travail jusqu’à présent. L’exposition du LaM est la première à faire le point sur sa pratique photographique, qui a discrètement accompagné toute sa trajectoire artistique.
L’importance de la photographie dans la démarche d’Anselm Kiefer est cruciale. Dès ses premières réalisations vers 1969, les clichés des rituels de catharsis auxquels il se soumet, effectuant le salut nazi dans divers sites symboliques d’Italie, de Suisse et du sud de la France tout en portant l’uniforme de son père, officier de la Wehrmacht, en témoignent. De même, les centaines de livres uniques qu’il crée utilisent principalement la photographie, collée, peinte, biffée, brûlée, gribouillée, souillée, dans une véritable “machination”. Aujourd’hui, il suffit de pénétrer dans son atelier près de Paris pour saisir la place décisive de ce médium dans la pensée et l’environnement d’Anselm Kiefer. La photographie est partout, alignée sur les murs dans des cadres en acier ou au sol, attendant une intervention.
Pour rendre compte de l’importance de la photographie dans l’œuvre de l’artiste, l’exposition adopte deux perspectives. Elle permet de comprendre l’évolution de son travail, des premières œuvres des années soixante jusqu’à aujourd’hui, alors qu’il confère progressivement à celles-ci une échelle rivalisant en formats, en nombre et en sujets avec sa peinture. Simultanément, le parcours énumère en huit sections quelques-uns des chapitres essentiels de sa pensée.
Né en 1945 à Donaueschingen, dans le Bade-Wurtemberg, Anselm Kiefer est un peintre allemand. Ses études initiales portent sur le droit, les langues et les littératures romanes, avant qu’il ne se tourne vers l’art en fréquentant les Écoles des beaux-arts de Fribourg-en-Brisgau et de Karlsruhe. Après avoir travaillé à Buchen, dans le Bade-Wurtemberg, il élit domicile en France, exerçant son art à Barjac dans le Gard à partir de 1993, puis à Paris depuis 2007.
Connu pour sa série controversée de photos intitulée “Occupations”, il y est capturé faisant le salut nazi dans des lieux publics. En tant que peintre, sculpteur et artiste d’installations, la matérialité joue un rôle central dans son travail.
Ses peintures à grande échelle présentent une texture distinctive grâce à l’application de pigments qui se mêlent à des matières organiques, du métal et du plomb. Néo-expressionniste à l’instar de Georg Baselitz et Jörg Immendorff, Kiefer a étudié avec Joseph Beuys à la Kunstakademie de Düsseldorf, où il a développé une appréciation pour l’utilisation créative de divers matériaux. Cependant, il refuse l’idée d’être associé à un style particulier, affirmant : “Je ne suis pas une marque”.
Le point de départ de l’œuvre d’Anselm Kiefer est une interrogation cruciale : comment être un artiste inscrit dans la tradition allemande après l’Holocauste ? Cette réflexion existentielle sur la mémoire s’étend à une quête spirituelle nourrie par les grands mythes et la mystique kabbalistique. Véritable érudit, Kiefer fusionne la peinture, la photographie, les livres et les sculptures. Son intérêt marqué pour le judaïsme transparaît dans toute son œuvre, où il explore la Kabbale avec la même intensité que la germanité.
Les créations d’Anselm Kiefer font partie des collections des plus grands musées mondiaux. En octobre 2007, trois de ses œuvres (Athanor, une peinture de onze mètres de haut, Danaë et Hortus conclusus, deux sculptures) intègrent les collections du musée du Louvre. Il inaugure le programme Monumenta du Grand Palais à Paris en 2007 avec une œuvre rendant hommage aux poètes Paul Celan et Ingeborg Bachmann, ainsi qu’à Céline.
En 2009, à l’occasion des vingt ans de l’Opéra Bastille, l’institution commande à Kiefer la conception d’un spectacle musical avec récitant intitulé “Am Anfang”, où il réalise le concept, la mise en scène, les décors et les costumes, s’inspirant de textes bibliques de l’Ancien Testament.
Anselm Kiefer a reçu le prestigieux Praemium Imperial Prize à Tokyo en 1999 et a été honoré du prix de la Paix des libraires et Éditeurs allemands pour l’année 2008.